J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur le sujet notamment face à Jean
Rottner au moment d’un débat sur la motion pour une collectivité unique, et sur
ce blog.
J’ai fait partie de ceux qui ont défendu avant le référendum de 2013 le
projet de la suppression des deux conseils généraux et d'une collectivité
unique, le Haut-Rhin et le Sundgau l’ont particulièrement rejeté. Par peur de
se faire dévorer par le grand méchant loup strasbourgeois, mais aussi parce que
le projet de Philippe Richert n'était pas bon, pas assez lisible… C’est le même
mécanisme de défense qui se révèle aujourd’hui contre la Lorraine et encore
plus durement contre la Champagne Ardennes.
C’est donc la peur qui gouverne… La peur de perdre notre identité
culturelle… La droite alsacienne, majoritaire dans les trois collectivités
locales use et abuse de cet argument. Quitte à devenir méprisanet pour les
Lorrains et les habitants de Champagne Ardennes, voire envers les Alsaciens qui
ne partageraient pas leur conviction. Inacceptable et honteux ! Plusieurs
habitants des autres régions ont eu l’occasion de me dire combien ils étaient
navrés de voir autant de ressentiment à leur égard, sans raison, comme s’ils
n’étaient capables que d’aller faire les poches des Alsaciens. L’humanisme
rhénan n’en sort pas grandi, soyons en sûr…
L’identité alsacienne… Ses dialectes… En un siècle, nous sommes passés de 90
% d’alsaciens qui le pratiquaient à 43 %, voilà le bilan et la réalité, et la
« majorité alsacienne » au commande depuis la décentralisation a sa
part de bilan à prendre… L’identité culturelle… ses paysages ? Une
association vient de se créer pour essayer des les sauver, tant l’agriculture
intensive et l’urbanisation galopante mite et défigure ce dernier…
L’identité culturelle au travers d’un dynamisme économique ? C’est
peut-être l’exemple le plus grave car notre bonne santé et notre richesse
s’érodent chaque jour. Les chiffres de l’Insee sont là pour le rappeler à la
place des élus qui se sont succédés sur la tribune d’une manifestation dont les
participants défendaient un projet qu’ils avaient pour beaucoup rejeté lors du
référendum un an plus tôt… L’économie alsacienne n’est pas reparti au premier
trimestre 2014. L’emploi salarié marchand s’est contracté avec une perte de 1
150 postes sur un trimestre et de 3 400 postes sur un an. Tous les secteurs
d’activité sont touchés. Le taux de chômage ne baisse pas, sauf pour les jeunes
mais avec des poches urbaines de 25 %, et la part de chômeurs de longue durée
(42,4 %) devient supérieure à celle de la France métropolitaine. La création
d’entreprises doit sa croissance exclusivement aux auto-entrepreneurs tandis
que la création d’entreprises « classiques » diminue de 9,3 %. Les
défaillances ont augmenté de 5,1 % après une éclaircie au dernier trimestre
2013. Les zones frontalières sont les plus attractives parce qu’elles
bénéficient de la croissance suisse et allemande , dont les régions se sont
regroupées depuis longtemps pour certaines. Pourtant, les projets
transfrontaliers culturels et économiques sont faibles et ce que l’on nous
promet pour demain avec une Alsace unie n’a pas encore été réalisé en 30 ans de
décentralisation et de majorité alsacienne de droite.
Alors, avant de nous promettre la lune grâce à une Alsace unie et j’espère
jamais autonome, si la droite alsacienne commençait à faire son bilan, à nous
montrer ce qu’elle a réussi à faire seule, mieux que la Lorraine par exemple.
Voilà qui serait une base de discussion saine et respectueuse…
Hélas, c’est dans la caricature au travers d’organes d’informations publics
que les deux présidents de conseils généraux ont choisi de s’engouffrer,
faisant au passage leur propre promotion. Le conseil régional, lui, a préféré
s’égarer dans la mise en place de tarifs et de trains spéciaux pour les
manifestants, on voit mal comment demain, il pourra refuser le même traitement
à d’autres demandes… S’il ne s’agit pas d’exonérer le gouvernement de la
médiocrité par laquelle il a engagé cette réforme territoriale aussi importante
pour notre pays, il faut bien reconnaître que la droite alsacienne a
instrumentalisé cette réforme pour en faire une tribune politique régionale
tout en faisant croire que ce qui est vrai pour d’autres Régions ne le serait
pas pour l’Alsace... Plus petite région de France. Rappelons qu’ailleurs,
beaucoup d'élus de droite approuvent la création de grandes régions… François
Baroin, UMP, par exemple, sénateur et futur président de l'Association des
Maires de France, trouve le projet de ce mariage à trois tout à fait
intéressant en instituant d’emblée Strasbourg comme capitale.
Même si la taille d’une région n’est pas déterminante, c’est bien le pouvoir
politique et financier des régions qui leur permettra de sortir leur épingle du
jeu européen et mondiale… Demain, une Alsace, seule, repliée sur elle-même,
fera-t-elle le poids face aux autres régions européennes… ? L’histoire
nous le dira peut-être mais en attendant ne laissons pas les réformes
nécessaires devenir des outils de lutte interne pour la droite alsacienne en
pleine recomposition en vue des prochaines échéances électorales. L’Alsace vaut
mieux que cela, mais ça personne ne l’aurait dit samedi au cours de la
manifestation.
Ne soyons pas dupes, la démocratie citoyenne alsacienne n’a pas défilé sous
les drapeaux rouges et blancs, sinon il y aurait eu bien plus de monde, et ce
n’est pas tant l’avenir de l’Alsace qui s’est joué samedi Place de Bordeaux que
l’avenir de la droite alsacienne !